Restitution publique des résultats de l’enquête nationale portant sur les impacts du nanisme sur le quotidien des personnes de petite taille par Mme Geneviève Darrieussecq

Paris, 17 octobre 2022

Publié le | Temps de lecture : 8 minutes

Discours de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées à l’occasion du colloque de l’association des personnes de petite taille (APPT) qui a pour objectif d’informer, accompagner, soutenir, et défendre adultes, parents et enfants touchés par la petite taille.

Seul le prononcé fait foi.

Madame la présidente, chère Violette,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureuse de vous retrouver ce soir, dans cet amphithéâtre des Ministères sociaux, pour cette réunion de l’Association des personnes de petite taille (APPT).

J’ai eu l’occasion de l’exprimer ce matin même à la présidente, à M Aubé et à Mme Dahibi el Kadari et je le redis devant vous : votre Association est un interlocuteur essentiel pour les 8 à 10 000 Françaises et Français de petite taille. C’est aussi un partenaire privilégié pour mon Ministère. Et je tiens à saluer le travail remarquable que vous menez depuis presque 50 ans maintenant – il va bientôt falloir penser à préparer l’anniversaire !

Ce qui compte surtout pour moi, c’est d’être présente à vos côtés pour écouter votre parole. Parce que c’est vous, les premiers concernés, qui êtes les experts les plus pertinents. C’est vous qui pouvez le mieux faire remonter, non seulement les éléments à améliorer, mais aussi les solutions que vous identifiez ou que vous développez sur le terrain.

Vous le faites déjà dans le cadre institutionnel du Concours national de praticien hospitalier (CNCPH), dont sont membres certains de vos adhérents. Mais avec cette restitution publique de résultats à laquelle vous m’avez conviée ce soir, vous le faites sous une forme particulièrement fine, que je tiens là aussi à saluer.

Cette enquête dont il est question ce soir s’inscrit dans la ligne tracée par le plaidoyer que vous aviez remis à ma prédécesseure en 2021. Elle apporte des précisions sur deux points, qui me paraissent particulièrement importants et que j’aimerais examiner avec vous :

  • D’abord, l’enjeu de l’accès aux droits, avec les questions qui s’ensuivent concernant la reconnaissance du handicap et les disparités territoriales.
  • Ensuite, l’enjeu de la lutte contre les discriminations.

Les résultats de votre enquête rendent compte de faits dont nous ne pouvons nous satisfaire. Neuf personnes de petite taille sur dix ressentent régulièrement de la gêne dans leurs déplacements. Plus d’un quart d’entre elles rencontrent des difficultés pour remplir le formulaire de demande d’aides des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). Et pour la grande majorité des personnes de petite taille, les aides sollicitées ne sont pas obtenues en première demande.

Ce que vous exprimez aujourd’hui, ces difficultés à obtenir les droits et compensations qui permettent aux individus de s’épanouir, nous y portons une grande attention. Ces difficultés doivent être évaluées précisément pour corriger ensuite les éventuels manquements.

C’est au fond toute la vertu de la loi de 2005. Elle implique d’analyser les besoins et d’accorder les compensations au plus près du cadre de vie de chacun. Sa philosophie, c’est de ne plus forcer les personnes à rentrer dans un moule pour s’adapter aux dispositifs, mais bien de construire des dispositifs qui s’adaptent à la vie que veulent mener les personnes.

C’est pourquoi il faut une meilleure identification des répercussions du handicap sur la vie quotidienne. Notre travail, avec la Caisse nationale de solidarités pour l'autonomie (CNSA) et les MDPH est de partir de ces répercussions pour ouvrir des droits. Ce que vous nous dites de manière précise et documentée sur les difficultés d’accès à la Carte mobilité inclusion, c’est quelque chose qu’il va nous falloir très vite prendre en compte pour que la situation évolue.

Je veux revenir aussi sur quelque chose qui me tient particulièrement à cœur, peut-être du fait de mon expérience d’élue locale : ce sont les disparités territoriales. Des écarts existent dans des proportions parfois importantes d’une MDPH à l’autre. Ces écarts sont parfaitement incompréhensibles pour les personnes concernées. Là-dessus, le constat est assez unanime de la part de l’ensemble des personnes en situation de handicap.

Nous avons déjà commencé à agir pour corriger ces écarts. Nous accompagnons ainsi les MDPH en difficulté, pour faire converger les délais et les pratiques d’évaluation. Nous avons investi pour mettre en place un système d’information harmonisé à échelle du pays, et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 prévoit d’accompagner davantage encore cette convergence. Très concrètement, c’est comme cela qu’on peut aller vers plus d’égalité de traitement.

Et surtout, ce sujet de la simplification des parcours, nous aurons à le traiter lors de la prochaine Conférence nationale du handicap de 2023. La parole des personnes en situation de handicap et de leurs représentants concernant ces dysfonctionnements du quotidien y jouera un rôle essentiel pour construire ensemble les solutions.

L’autre grand sujet sur lequel vous avez voulu attirer mon attention, c’est celui de la lutte contre les discriminations. Là encore, le résultat de votre enquête est sans appel : plus de neuf personnes de petite taille sur dix indiquent avoir été victime au moins une fois de discrimination ou de violence au cours de leur vie. Pour 70 % d’entre elles, ces discriminations ont lieu plusieurs fois par an, voire plusieurs fois par mois et même plusieurs fois par semaine.

Sur ce point, je voudrais d’abord faire miens les propos de la Première ministre, qui a été extrêmement claire lors de son discours de politique générale prononcé au Parlement. Je me permets de vous les répéter dans leur intégralité :

Nous lutterons avec intransigeance contre toutes les discriminations. Qu’elles concernent le genre, la religion, la couleur de la peau, le handicap, l’orientation sexuelle : chaque discrimination est une humiliation, une blessure, une violence.

À la différence de 80 % des handicaps qui ne se voient pas, le nanisme est un handicap visible. Et donc, non seulement les personnes de petite taille doivent affronter des problèmes quotidiens d’accessibilité de l’environnement, mais elles doivent aussi trop souvent affronter les regards malvenus, qui peuvent osciller entre la curiosité déplacée et le rejet pur et simple.

Disons-le clairement, cela est parfaitement inacceptable. Il faut continuer le travail de pédagogie pour faire comprendre à l’ensemble de nos concitoyens que l’espace public doit être un lieu où chacune et chacun doit se sentir en sécurité et en paix, respecté dans son intégrité et dans sa dignité.

Je ne peux pas m’empêcher de faire le parallèle entre le chiffre que je vous redonnais tout à l’heure et celui des atteintes et des agressions sexuelles, qui sont ressenties par plus de huit femmes sur dix en France aujourd’hui. Dans les dix dernières années, la société a su bouger pour imposer l’idée qu’aucun comportement harcelant ne peut être toléré. Force est de constater qu’il faut élargir aujourd’hui la focale aux personnes en situation de handicap. Nous ne supportons plus qu’une femme soit importunée dans la rue, nous ne devons pas supporter qu’une personne de petite taille soit scrutée, objectivée, parfois prise en photo sans son consentement. Je pense en tout cas que la société est parfaitement mûre aujourd’hui et que la manière dont elle exprime de plus en plus fortement une exigence de respect de la dignité de chacun doit être un levier qui nous permettra d’avancer.

Alors, concrètement, comment faire ?

D’abord, je le redis, en étant intransigeante. Et en combattant la haine et la discrimination sur tous les terrains, y compris dans le monde numérique et sur les réseaux sociaux, dont on sait la place qu’ils occupent aujourd’hui dans notre quotidien.

Des solutions existent. Le signalement d’un contenu haineux est simplifié, grâce au lancement du portail numérique PHAROS. Un observatoire de la haine en ligne a été mis en place, sous l’égide de l’Autorité de la régulation de la communauté audiovisuelle et numérique ARCOM. Surtout, des moyens sont mis pour permettre à la justice d’être plus efficace sur ces dossiers.

Je sais que Mme la présidente a rencontré l’ARCOM la semaine dernière et je m’en réjouis. Elle a pu évoquer non seulement la question de la haine en ligne, mais aussi celle des représentations culturelles et médiatiques, qui jouent un rôle fondamental dans la manière dont les personnes de petite taille sont perçues dans notre société.

Très clairement, il faut être intraitable sur un certain nombre de points. Je pense, bien sûr, aux questions de désignation, comme on a pu le faire par le passé pour d’autres populations stigmatisées. Le nanisme est une condition, qui renvoie à plus de 500 pathologies recensées.

Ce n’est pas une manière de désigner les personnes de petites tailles, et il faut porter cette exigence pour rendre caduques toutes les désignations dégradantes. L’Association des personnes de petite taille (APPT) a tout mon soutien sur ce plan, et je l’exprimerai directement auprès de l’ARCOM.

Et puis il faut continuer à se battre pour la visibilité.

S’il y a une chose que l’on peut apprendre à écouter la parole des personnes en situation de handicap, c’est bien l’ambivalence de la visibilité. Cette visibilité, c’est parfois ce qui épuise au quotidien. Ce sont tous les clichés, tous les verdicts sociaux que l’on vous assène à longueur de journée, et qui occultent la profondeur d’une individualité. C’est se voir réduit à sa taille alors qu’on est tellement plus, alors qu’on est une doctorante en musicologie ou le patron-gérant d’un magasin d’optique, alors qu’on milite pour ses droits et ceux des autres, alors qu’on vit une existence aussi riche et aussi pleine qu’aucune autre.

Mais la visibilité, c’est aussi un enjeu politique fondamental. Un enjeu que nous avons porté ensemble, avec la campagne de sensibilisation Voyons les personnes avant le handicap, diffusée en 2021, à laquelle vous avez été partie prenante. La visibilité, c’est le combat pour les droits, c’est manifester que l’on existe, que l’on n’est pas réductible à ce que les autres disent de nous. Cette visibilité-là, qui est le contraire de l’invisibilisation, est une chose précieuse qu’il faut faire progresser pour rendre notre société plus inclusive.

Et c’est la raison pour laquelle vous, membres de l’Association des personnes de petite taille (APPT) , jouez un rôle si essentiel.

Je vous remercie.